
Mathilde s’avance dans une blouse blanche de circonstance, estampillée du sceau médical : aide-soignante dit-elle. Figure à l’autorité relative, elle est la part d’humain accessible de l’hôpital. Plus accessible que le Docteur Robert qui – le dimanche – ne se déplace que pour les vraies urgences.
Mathilde a un visage poupon, des joues roses concentriques et accueillantes encadrées par un filet de cheveux blonds qui tirent vers un jaune paille de fin d’été, plutôt anachronique en ce premier jour de mai. Mathilde travaille donc doublement en ce dimanche férié. Elle le célèbre avec labeur et fait la tournée des chambres pour visiter les patients esseulés, relever l’humeur du jour et rassurer les familles inquiètes, en quête d’un diagnostic.
Mathilde s’émeut devant ma grand-mère si lasse de fêter ses 93 ans seule en ces lieux. Elle devait sortir mais on ne sait plus rien depuis quelques semaines. Elle sourit de la voir entourée de ses trois petits-enfants et nous dit qu’à notre place, elle l’enlèverait sa grand-mère. Mathilde nous a donné des conseils, patiente, quel médecin il fallait appeler, à quelle heure et ce qu’il fallait dire pour prêcher la vie plutôt que cette lente décrépitude sécuritaire et solitaire.
Le lendemain, ma grand-mère est sortie. Après quelques heures de voiture, elle nous a rejoint en bord de mer pour fêter son anniversaire avec tous ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants.