
Un quart métisse par sa mère moitié guadeloupéenne, Antoine a été passé à la machine à laver comme il dit. Un programme spécial avec essorage à 3000 tours, de telle sorte qu’il est devenu complètement blanc, juste un peu hâlé. Mais la Guadeloupe est restée tapie quelque part dans les pépites ocre de ses yeux verts tilleul.
J’ai rencontré Antoine dans le train qui nous conduisait vers Amiens et la baie de Somme pour moi, des retrouvailles familiales pour lui. Antoine a déposé ses écouteurs dans la poche en filet adossée au siège de devant, et il s’est assis avec hauteur et envergure, un sourire traversant son visage d’un éclat lumineux.
Antoine est comédien, spécialiste de l’improvisation, circassien à ses heures perdues, professeur d’impro et ancien étudiant en biologie. Il a déjà eu plusieurs vies et semble chaque fois se laisser traverser avec légèreté et discernement. Nous avons parlé pendant toute l’heure du trajet. Antoine s’est raconté, m’a posé des questions et nous avons constaté à quel point le fil de l’humain, de nos vies et de nos envies pouvait parfois s’entrecroiser.
Puis Antoine m’a décrit sa rencontre à trente ans passés avec celui qu’il appelle son géniteur. Cet homme avec lequel il boit désormais des cafés et fait de rapides incursions à Nuit debout. Celui qui l’a conçu, qui s’est barré en laissant sa mère enceinte et qui a vite été remplacé par le compagnon de sa mère, quand Antoine avait un an et demi : son père qui depuis lors l’a aimé, élevé et adopté.