
Jean-Marc a cinquante ans mais il en fait au moins dix de plus. Il le dit lui-même, il sait.
Je l’ai croisé dans le métro à demi-courbé, soliloquant en roulant son pétard face à la vitre. Jean-Marc se raconte comme pour nous confirmer le triste constat de la misère ordinaire, et nous ôter la pitié à fleur de bouche en ironisant sur sa propre peau.
Jean-Marc avait trois ans en 1969. Et même s’il était petit il se rappelle qu’il en a bien profité, comme dans la chanson de Gainsbarre. Aujourd’hui, ça lui fait cinquante ans – un demi-siècle – même s’il a déjà des airs de grabataire.
Jean-Marc dit qu’il est seul mais qu’il va bientôt être grand-père, que sa fille est mariée et qu’elle va avoir un bébé.
Aujourd’hui il a touché son RSA alors c’est festif et il va se la couler fissa, à la douce, au bar. « Vous êtes les bienvenues mesdames, aujourd’hui je peux payer, je vous invite toutes! Demain, je n’aurais plus d’argent et vous ne viendrez pas. Et puis ce qui est bien avec le vin, c’est que toutes les femmes sont belles ». Il n’est pas sectaire Jean-Marc. Il jauge les nanas avec commentaires euphorisants – pour lui – se demandant à haute voix si elles baisent bien ou bien ?
Jean-Marc allume son pétard finalement, et les volutes de fumée envahissent les couloirs. Ça sent fort et l’odeur âcre vous prend à la gorge, mais il grommelle que c’est la dernière fois qu’il nous fait chier, qu’après il ne nous reverra plus jamais.
Jean-Marc est seul, envers et contre tout, c’est là sa plus grande misère.
« Quand on a toutes les solitudes à la fois, de l’esprit, de la conscience, du cœur, des sens, quand on n’a pas un confident en qui verser toute son âme, pas un être avec qui l’on ose pleurer, ou qui puisse vous donner de la force et du courage ; quand, par délicatesse, ou générosité, ou sagesse, il faut toujours se contenir, se taire, se réserver, cette malédiction atteint bien plus sûrement ses effets. « Il n’est pas bon que l’homme soit seul », cette sentence n’a rien perdu de sa redoutable vérité. »
Citation de Henri-Frédéric Amiel ; Journal intime, le 20 juin 1859.
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Merci pour cette belle citation qui résonne parfaitement!
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