Hugues est vigneron. Il a le visage couperosé de celui qui travaille au grand air. Il semble mal à l’aise sous les lumières artificielles de ce caviste parisien, posté à côté de l’entrée, trois bouteilles posées devant lui, à devoir raconter sa vie, son vin, aux clients du moment. C’est comme un rite de passage auquel il s’adonne une fois par an, parce qu’il aime bien les patrons et qu’ils se connaissent. Hugues vend 85 % de sa production aux Etats-Unis, il n’a pas besoin de courir les foires aux vins.

Hugues a hérité son exploitation de son père, son meilleur cru porte son nom. S’il s’était senti plus libre, il dit qu’il n’aurait peut-être pas fait ce choix. Il serait devenu prof d’histoire. Pourtant, on ressent chez lui l’émotion, l’amour profond de son métier quand on l’interroge. Hugues raconte volontiers ses terres qu’il peuple d’arbres au gré de ses envies, comme un instantané de ses paysages intérieurs. Il y a le cerisier qu’il a planté à la mort de son père, l’amandier qui représente la naissance de son premier enfant.

Hugues vit dans une maison est au coeur des vignes avec sa femme, leurs deux filles et leur fils. Il ne sait pas si l’un d’entre eux voudra reprendre son exploitation. Il ne veut pas faire peser sur eux la même responsabilité. Et puis, ils ont le temps. Hugues dit cependant que si il doit vendre, il partira. Il ne supportera pas de voir ses arbres déracinés parce qu’ils contrarient le passage des machines, sa maison détruite parce qu’elle oblitère l’espace.Peut-être tentera-t-il une autre vie?

Quand je lui demande ce qu’il pense des pesticides, Hugues répond qu’il en utilise le moins possible. Il traite juste les ceps de vigne, là où la machine ne peut pas passer. Bien sûr qu’il est sensibilisé. Son père est parti d’un cancer fulgurant, en quelques semaines. Il avait utilisé des produits chimiques toute sa vie.