Paula a un visage doux et timide, un peu égaré quand elle débarque arnachée d’une robe longue et florale – céleste – à cette soirée où elle ne connait personne. C’est une robe élégante, hors cadre cependant, hors temps, un peu comme elle.

Paula est psychologue dans une structure qui prend en charge des polyhandicapés. Un lieu à la campagne, comme aux confins du monde, reflet apathique et hypertrophié d’une société qui ne veut retenir d’elle-même qu’une performance standardisée. Un lieu qui nous renvoie à nos catégories, à nos limites, à ce que l’on ne contrôle pas.

Le polyhandicap, ou le cumul du handicap, physique, mental, psychique.

C’est une autre vie qui s’ouvre alors pour les proches et les accompagnants, une vie d’extrême dépendance. Et peut-être, une fenêtre ouverte sur un autre monde. Dans les interstices de la maladie, un clignement d’œil qui devient langage, comme une parcelle de liberté. Encore faut-il le discerner, regarder le handicap droit dans les yeux, avec patience et bienveillance, ne pas se détourner.

C’est un monde déréglé, disparate, de grands sentiments délivrés. La peur, l’amour, la tristesse, l’amitié, la tendresse, tous mêlés sans forme ni retenue, mais non sans noblesse. Des larmes au bord des yeux, des rictus étranges, alter-humanité blessée, des perles de bave comme autant de petites bulles hérissées autour de l’ovale d’un menton.

Paula est là pour les accompagner, aborder les sujets que l’on cache – la mort, la sexualité – accompagner les malades, les proches, mais aussi l’équipe soignante pour les aider à ne pas perdre de vue l’essentiel – l’humain – dans leur lot de labeur et de difficultés.