
J’ai croisé André en dévalant les escaliers de mon immeuble. Il était petit dans son costume trop grand pour lui, le visage brun et souriant, une fine moustache au-dessus de ses lèvres fines. Il vit ici depuis 1976, quarante ans qu’il n’a pas bougé de son appartement de location. André est sédentaire.
Je me suis présentée, juste le temps de sortir de l’immeuble et André m’a livré ses souvenirs d’un coup, quarante ans de vie d’un quartier en accéléré. Dans notre rue il y avait deux cafés et un hôtel, à l’angle juste ici un papi avec sa boutique d’antiquités et un restaurant, là où ne perdure qu’une enseigne métallique, reliquat hiératique des fastes d’antan. Seul le coiffeur est toujours là. André me raconte avec nostalgie les rues bruissantes devenues plus vides soudain, la vie comme éloignée du dehors, de l’espace public, par un individualisme galopant.
Cela me fait penser au lieu où officie Claude, à ces quartiers temporairement investis le temps d’un soir ou d’une saison par une faune privilégiée : pauvres quartiers où il n’est plus question de brassage, mais seulement de passage.