
Maël est breton de cœur et d’origine, il vit à Paris depuis sept ans. Au début, il a suivi la voie classique, consultant pressurisé dans un cabinet parisien, la tête comme un citron : acide avec un zeste d’amertume. Maël a quitté son poste il y a bientôt deux ans pour se lancer dans la conception de sites internet, il a appris le codage sur le vif. Ça lui permet de vivre tant bien que mal dans une chambre d’une coloc des faubourgs parisiens. Maël est beaucoup plus heureux comme ça de toute façon – il a besoin de peu – il ne reviendrait en arrière pour rien au monde.
Il a commencé les maraudes peu de temps après son arrivée, découvrir les bois de Paris, de Vincennes à Boulogne, à la nuit tombée. Repérer les prostituées, aller les voir, essayer de leur parler, savoir si elles ont besoin d’une aide médicale ou légale. De là est né un projet : mettre en place des sessions pour les faire jouer au théâtre, comme une fenêtre ouverte sur un autre horizon. Leur permettre de sortir de leurs cuirasses de souffrance et de faux-semblants, d’être une autre pendant quelques minutes ou quelques heures, une autre, ou tout simplement soi.
Aujourd’hui, c’est devenu son activité principale non rémunératrice, le cœur de ses journées et de ses pensées. Maël envisage le changement à petite échelle, d’abord quelques femmes, on verra pour la suite. Il parle vite, avec des gestes et mimiques oculaires qui semblent lui échapper. Il m’interroge sur notre capacité à faire les choses pour les autres, sans forcément se mettre en avant ou chercher à réparer d’anciennes blessures. Il m’interroge sur le désintéressement profond au bénéfice d’autrui et la neutralité des attentes pour soi.