
Ils partent le matin suivant, harponnent le train juste avant son départ et montent sans billet. Les paysages autour d’eux ont quelque chose de terreux et monocorde. Ils descendent à Ostende, longent la mer à la sortie de la gare, passent devant une église austère aux accents néo-gothiques, entrent, observent et rejoignent un groupe de touristes mené par un vieil homme dans le fond de l’église : devant eux, le mausolée d’une reine belge décédée, Louise-Marie. Ils se sourient, il y a quelque chose de poétique dans ce moment hors du temps, devant cette statue de marbre gracieuse et cette ville aux accents de grandeur oubliée.
Ils vont sur la plage. Il fait froid, venteux. Ils profitent de l’accalmie que leur laisse quelques rayons de soleil, de la lumière sur les flaques d’eau échappées de la marée descendante. Il y a des bateaux de marchandises à l’horizon, personne ou presque. La ville est comme désertée. Ils passent devant le casino, le palais de justice. Le paysage ressemble à ces vieux films d’abondance fanée d’anciennes villes d’URSS. Ostende est une vieille femme slave qui attend de voir venir l’été pour déployer son châle noir lourd de broderies et entrainer le passant dans une danse endiablée.