
Gabriel se tient à quatre pattes – fesses cambrées en arrière, la tête enfouie sous une voiture – et occupe toute la largeur du trottoir. Il se redresse après quelques secondes tenant dans sa main droite un petit objet. « C’est la boucle d’oreille de mon épouse », me dit-il. Et de brandir sous mes yeux le fin objet argenté, la pointe brillante sous la lumière déclinante, celle qui d’habitude vient embrocher le lobe de la dite épouse.
Gabriel n’a fait que prononcer ces quelques mots, la tête levée vers un balcon quatre étages plus haut où une jeune femme se tenait penchée. Dans ce mot d’ « épouse », gaiement échappé de la bouche de Gabriel, on lit les noces jeunes, le bonheur enjoué, aimé, comblé. Pas ma copine, ma femme, ma meuf, ma mie. Non, « mon épouse ».