
Maurice est le gérant de l’épicerie d’un petit village de l’Eure. 500 âmes à tout casser et des commerces fluctuants, dégringolants au fil des ans. Le coiffeur n’a coupé des cheveux que quelques mois. Le boucher/charcutier a disparu il y a bien vingt ans. Seuls le bar/tabac et la boulangerie sont restés. Le pain toujours, inoxydable. Et puis le petit coup de rouge ou la mousse crépitante, ça aide à se sentir moins seul, à oublier la dureté de la vie, l’anonymat des grandes villes, la rugosité des campagnes où l’on est souvent bien seul finalement. Les dernières générations d’enracinés se terrent, et les nouveaux venus sont tantôt déracinés ou en transit.
Maurice fait de son mieux. Il ne possède pas les murs de son commerce mais il le développe avec énergie. Une épicerie achalandée se greffe désormais au bar/tabac. Avec sa femme et sa fille, ils gèrent le tout avec bonhommie. On y trouve même un coin poste pour contrées égarées. Maurice n’est pas caustique. Il accueille les gars du coin, les mamies bigarrées, les parisiens des maisons secondaires sans discrimination. Il essaie même d’égayer le quartier, le premier week-end de juillet, juste avant de fermer pendant un mois. Maurice sort un stand devant son bar, prépare des saucisses, des frites, et il sort la sono. Cette année, il avait même prévu deux chanteurs de cabaret, et imprimé quelques affiches. Mais ils viennent tout juste d’annuler.