
Mes yeux se ferment à intervalles réguliers, bercés par le ronron du train qui dévore les rails à pleine vitesse. A chaque coup de frein aux abords d’une station, je renoue avec la réalité. D’abord, je distingue Jérémy, les paupières lourdes de sommeil lui aussi. Il sourit avec torpeur à sa fille assise face à lui dans le carré voyageur.
Jérémy passe sa main dans ses cheveux, lianes noires entremêlées et retenues par un large élastique rouge. Il l’ôte et dénoue chaque mèche avec soulagement. Jérémy délasse son cuir chevelu comprimé par la force centrifuge de ses dizaines de dreadlocks. Sa compagne, Jeanne, est assoupie et me tourne le dos. Je n’aperçois que ses cheveux bruns portés en dreads plus fines et plus nombreuses.
Nine, leur fille, est comme suspendue à la vitre. Elle fixe les couloirs du métro qui défilent avec monotonie. Nine porte ses cheveux ramenés en huit grosses nattes dont chaque départ forme comme un petit cratère inversé. Sam, son frère, est assis face à elle, les cheveux conformes à la tradition familiale.