
Il se dégage d’Anish une infinie douceur. Passager entre les hautes tables de bois, il se glisse furtivement entre les clients du restaurant. Anish n’est pas pressé et habité de grands gestes pour récupérer un maximum d’assiettes en un seul passage; il se meut avec délicatesse, redresse un sac par ci, attrape un bol par là.
Anish s’arrête aussi, vous regarde et prend le temps de demander comment vous allez. Lui va bien, il explique qu’il fait la vaisselle dans le petit local que l’on aperçoit à-travers la cloison ouverte. Il dit qu’il parle aux verres, aux bols… Il poursuit son tour puis revient sur ses pas. Mon amie a les yeux humides et le nez comprimé, il la regarde à la dérobée avec empathie, un air de naufrage aux coins des yeux auquel il refuserait d’assister sans avoir tout essayé. Anish propose de lui offrir une part de gâteau – chocolat, noisette, citron – ce qu’elle souhaite. Va pour le chocolat!
Anish est plutôt petit, la peau foncée et un visage rêveur fendu de grands yeux sombres. Je lui dis qu’ils sont très beaux ses yeux, il me sourit. Il porte une chemise bleue de travail dont les manches ont été découpées juste en-dessous des épaules. Je crois qu’il m’a fait aimer ce lieu, un restaurant un peu bobo comme ils affleurent à Paris, avec des plats bio et végétariens mangés sur le vif. J’ai aimé sa présence si délicate, sa façon de ne pas s’excuser d’être là en passant tête baissée pour vous débarrasser, de vous offrir un dessert ou une citronnade et de mettre bas nos automatismes sur les rôles et attributs sociaux.