
Je croise Damien régulièrement dans l’ébullition de Châtelet-les-Halles, où le mouvement constant des franciliens entrecroise celui des travaux de rénovation depuis plus de deux ans.
Je le repère d’abord à sa voix – rauque et mélancolique – la gorge grumeleuse et mélodieuse. Puis il y a l’attroupement qui se dessine autour de lui, des fidèles et des passants d’un jour qui interrompent leur élan l’espace d’un instant.
Damien a de longs cheveux blonds coagulés en dreadlocks; elles forment une queue de cheval moutonneuse qui lui descend jusqu’aux omoplates. Il chante toujours assis au même emplacement, sa guitare sur les genoux. Damien ouvre le bal, envahit l’espace routinier des couloirs arpentés à heure fixe, et nous offre un morceau de liberté suspendue.
Son étui à guitare est posé à ses pieds, ouvert à la générosité des passants. Tapissé d’un velours rouge qui habille les formes sensuelles de l’instrument, l’objet attire les regards vers les quelques CDs disposés consciencieusement et disponibles à la vente.
Je suppose que Damien n’est pas là pour l’argent, la transaction parait trop téméraire. Peut-être est-il là par passion, pour la beauté du geste musical ainsi partagé? Peut-être aime-t-il l’accessibilité de ce public de circonstance sans cesse renouvelé? Peut-être Damien nourrit-il le secret espoir d’être « découvert » par un fin limier, son talent enfin dévoilé aux oreilles du monde?
bel article.
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