
Jihane a un joli visage tout en rondeur. Elle vient d’avoir trente ans mais elle semble ne s’être pas encore détachée totalement des limbes cotonneuses de l’enfance. L’anneau d’or distinctif de ceux qui ont choisi de graver leur amour dans le marbre du papier et des sacrements orne son annulaire gauche.
En octobre dernier, Jihane a quitté sa Belgique natale pour venir s’installer avec celui qu’elle peine encore à appeler « mon mari ». Au début, elle est passée par une vraie phase de dépression : chercher ses marques, un travail, et surtout l’éloignement, la perte de repères : son père, sa mère, ses deux frères et ses amis. Jihane parle de Bruxelles avec une nostalgie teintée d’amertume. J’ai beau tenter de la rassurer, lui dire que sa ville est encore à portée de bras, la distance semble s’étirer d’autant plus qu’elle lui pèse.
Jihane me parle de son éducation catholique de l’enfance à l’université, parce que « c’était les meilleures classes ». Son père est né au Maroc, sa mère dans l’enclave espagnole de Ceuta, elle a la double nationalité. Jihane est sur-diplômée, poussée sans doute et couvée du regard par des parents qui voulaient pour elle le meilleur. D’abord la biologie, puis la communication et le marketing, le journalisme, et enfin les relations internationales. Nous nous sommes rencontrées pour discuter boulot et l’armer de quelques cartouches pour ses premier pas dans le marché du travail français et parisien. En fait, on a surtout discuté, et je crois que c’est ce dont elle avait le plus besoin, d’un échange amical.