
Sylvie porte une peau de bête lainée retournée et un visage crispé qui accentue ses rides de soixantenaire réfractaire. Elle parle à voix haute dans les transports en commun de bon matin, avec un homme sans complicité apparente que celle d’une écoute subie et habituée. Peut-être son mari, ou un ami.
Elle vitupère sur ses collègues et son supérieur. « Y en a marre de tous ces gens qui ne foutent rien et qui restent le cul sur une chaise toute la journée. Et puis comme ils ne font rien, ils ne sont pas augmentés, donc ils ne foutent rien. C’est le serpent qui se mord la queue. Alors que moi comme je bosse bien on m’en demande toujours plus, et je finis par me faire engueuler parce que j’ai fait une erreur. »
Sylvie hausse la voix avec hargne. Elle a l’hiver amer de se retrouver entourée de « deux connasses » dans un rôle de subordonnée à des chefs bien plus jeunes qu’elle. Et on sent qu’elle aussi, il y a longtemps qu’elle n’a pas été augmentée.
On cherche continuellement à leur échapper, à ces aigris briseurs de rêves qui ont le pouvoir de désanchanter le quotidien. Pierre Assouline disait que rien ne lui était plus indifférent que les gens sans odeur, sans passion. Je crois malheureusement que les aigris n’ont plus la force de se passionner, ils récriminent au lieu d’inventer. Ne les méprisons pas, mais évitons les.
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