Lettre à Pio Marmaï
Je vous ai croisé hier dans Paris. Je sortais d’un hammam avec deux amies, vous sortiez de ce qui ressemblait à un Uber. Il y avait un drapeau français posé sur le tableau de bord, rappel tricolore et non allégorique des deux semaines écoulées, des tueries du vendredi 13 novembre, juste là, à quelques pas.
C’est drôle, je venais de faire allusion au fait de vous croiser. Comme si les acteurs et actrices de cinéma étaient là pour ça aussi. Déclencher ces oeillades énamourées, ces blagues à répétition, ces regards entendus, parce que quand même, il est beau Pio.
J’ai eu envie de traverser, de venir vous parler. Et puis non, la retenue, la pudeur, le sérieux. Je n’ai pas eu envie d’être la vingt-millième midinette à aller vous parler la bouche en coeur et le regard lubrifié.
Alors, on va déjeuner.
Si j’avais traversé cet après-midi, je vous aurais dit que vous avez incarné à l’écran un rôle important pour moi, dans Maestro. Dans ce film je ne vous ai pas trouvé particulièrement beau, mais je vous ai vu irrésistible. D’abord, j’ai trouvé cet Henri très drôle avec ses blagues foireuses, l’air toujours fraichement débarqué. Il m’a semblé que ce mec, il pouvait faire n’importe quoi, qu’il était léger mais qu’il avait aussi une vraie aptitude à la densité.
J’ai vu ce film à un moment compliqué. Ma grande histoire d’amour n’était pas au beau fixe. Je me souviens avoir dit à mon amie que j’avais envie d’être avec un mec comme ça, léger, drôle et intense. Que je n’en pouvais plus de la densité de plomb de ma relation.
Le lendemain nous nous sommes quittés. Je n’ai pas encore rencontré Henri mais je ressens à nouveau beaucoup de joie.
Alors je sais bien que vous n’êtes pas seul, que ce film c’est aussi sa réalisatrice, d’autres acteurs, une équipe technique. Je sais que les acteurs ne sont pas des sur-hommes. Mais je me dis qu’ils ne méritent pas non plus notre inertie. De même que j’essaie de remercier ceux qui m’apportent quelque chose, j’ai pensé qu’à vous aussi je pourrais dire merci.
Une réflexion sur “02/01/2016, Anna-chronisme”